“On
the road again” C’était mon douzième. Il s’agissait, aussi et surtout, du tout premier de Gigi. 1m64, pas un gramme de trop dans ses baskets, ni ailleurs, Gigi-fleur-de-lys enrageait depuis l’an 2000. Au club, au Jocel bien entendu, elle faisait partie de ces « exceptions exceptionnelles » qui n’avaient jamais participé à un marathon. Que je vous le confie, qu’elle me le pardonne: ça la minait. Pas jalouse de ses copines; non, mais très dure avec elle-même. Alors, de rage, elle s’était juré de se lancer. Non pas pour participer... mais pour terminer, et faire taire les vilaines langues, celles des machos rococo. « Gigi-que-j’aime-bien » et moi-même, avions donc décidé d’unir nos destinées, le temps d’un dimanche matin, pour cette grand-messe célébrée sur le macadam... au grand dam des abbés. Ce marathon de Lyon, il devait consacrer notre union... non de non. C’était sans compter sur Monique !... De fait, ce 30 mars, à Gerland, sur la ligne de départ, serrés les uns contre les autres, nous étions quatre pour cette surprise-party: Gigi, Monique, Bruno et moi. Tous habités par le démon... non de non. La course à pied, c’est le bonheur en liberté et beaucoup d’amitié, sans oublier une saine et franche complicité. Alors, laissons jaser mes frères... mieux vaut faire envie que pitié, et s’en aller sur... un pied... de nez . Vous l’avez deviné, c’est avec ces idées en tête que, tous les quatre, nous nous sommes élancés, très calmement, pour ne pas dire bien doucement, afin de nous échauffer. Le temps de faire le tour du Stade, de la Plaine de jeux et je me suis retrouvé, à notre point de départ, surpris par un photographe amateur... aux côtés de Monique, sur un rythme de samba! 1m58, une volonté à toute épreuve, une première place, dans sa catégorie, aux Foulées Sanpriotes, Nini-brin-d’acier est une âme bien née qui, à tout moment, sait comment faire pour vous en imposer. Certes, mais Gigi à qui j’avais promis, promis, promis... n’était pas loin. En vérité, elle gambadait enchantée. L’avenue Leclerc remontée au pas de charge et, brusquement, Gigi, sur le pont Pasteur... enrage : un inconnu malotru vient de lui faire une queue de poisson... non de non. Cours Charlemagne, qui a eu cette idée folle d’inventer l’école... manque de bol, Monique, frivole, caracole. Quai Rambaud, Bruno nous présente son dos, ce sera la dernière fois; il a décidé, finalement, de vivre sa vie dès son premier marathon... non de non. Pour Gigi, le petit bibi que je suis est trop timoré; à son tour, elle accélère. Finie la gaudriole, Monique me console, c’est ma nouvelle idole. Nous continuons donc pépère, d’autant que la traversée du pont Kitchener nous régénère. Le nez en l’air, je me sens très vert... et m’accorde quelques rêveries romanesques quai J-J Rousseau, à la descente comme à la remontée. Mais, brutalement, quai des Etroits, Gigi se profile devant nous. Son moral mis à mal, elle coince. Nous parlons de Romain, son garçon; des copines du club, du ciel bleu...Un peu plus loin, coeurs de lion, devant le Palais aux 24 colonnes, nous passons raides comme la justice!. Qu’il est beau, qu’il est bon... ce Vieux Lyon... non de non. Le 20ième kilomètre est atteint l’air de rien ; Monique est partie depuis bien, bien longtemps. Qu’à cela ne tienne, tout près de Gigi c’est le grand frisson. Séquence émotion... non de non. La rue de la République nous offre une... voie royale. Place Bellecour, tout à coup, la statue du Roi Soleil me fait de l’ombre. J’en ricane intérieurement : « Ah, ça ira, ça ira. Les aristocrates à la lanterne »... En pleine lumière, à mes côtés, Gigi-Athénaïs de Montespan avance comme le petit diable de Brassens: « la jambe légère et l’oeil polisson »... non de non. Rue Auguste Comte, je glisse un regard envieux sur « La cuvée », et songe à « La tassée », deux établissements qui m’ont plus d’une fois hébergé à l’occasion de certaines marches nocturnes, des plus harassantes pour quelques unes. « La cuvée », « La tassée » deux sacrés bouchons... non de non. Sur le pont de la Guillotière, une brise légère me ramène en mémoire, et dans le désordre, cette autre chansonnette de Brassens « si par hasard, sur le pont des Arts » tu trouves « le vent maraud, le vent fripon... prudence, prends garde à ton jupon »... non de non. La remontée des berges du Rhône et le quai Achille Lignon ne constitueront qu’une bien triste galère. Quant au Parc de la Tête d’Or, il se révélera comme un petit enfer. Tous les Lyonnais, ou presque, avaient du s’y donner rendez-vous. Ca courait de partout, les minots et les vieux, les filles et les garçons, les maigres et les gros... à pied, à roller, à vélo. Sur un parcours qui n’était pas fléché, nous nous sommes même faits rabrouer : nous gênions !. Et Boris Vian de m’inspirer « On n’est pas là pour se faire engueuler, on est là pour »... pouvoir défiler !. Que nenni mes amis, courir au milieu de tas de morpions n’est pas folichon... non de non. Le quai Charles de Gaulle ne réveilla aucun Appel, mais Gigi, auprès de qui Sylvie avait pris place, se refaisait un brin de santé. Pour Nini-brin-d’acier c’était tout le contraire, son genou blessé lors de sa chute dans la dernière Sainté-Lyon, lui infligeait mille souffrances. C’est ainsi que, rattrapée, elle devint notre compagnon... non de non. Et puis, au 40ième kilomètre, toute ragaillardie, Gigi est arrivée, sans s’presser, avec ses Nike et son p’tit maillot. Il faisait toujours aussi chaud, mais elle ne pensait plus à rien, sinon à son petit Romain. Pour ma part, auteur de promesses sans lendemain, horrible vaurien, je venais de la laisser aller... et c’est aux côtés de Monique que j’ai terminé. Allez tiens, toi qui ne crois en rien... viens, donne-nous la main. Michel
SEYVERAT
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