Marathon de Paris - avril 2008

 

Lunes blanches… le dimanche :

ma balade de baladin

 

Des nuages qui se lèvent…   Et caressent les toits…   Et c’est Paris bonjour

La Seine qui se promène…   Et me guide du doigt…   Et c’est Paris toujours

 

En ce dimanche matin 6 avril, je n’avais pas assez de mes deux yeux pour détailler ces somptueuses cartes postales que m’offrait une capitale très matinale, ni assez de mémoire pour adapter, dans ma tête, cette merveilleuse chanson « Les prénoms de Paris » de l’inoubliable Jacques Brel... Non, je n’avais pas assez de mon être, ni assez de mon temps pour emmagasiner tout ce qui se présentait à moi... Je devais suivre mes potes du Jocel qui n’avaient qu’un souci : prendre le métro… au plus tôt… Direction l’Arc de Triomphe pour le départ de ce 32ième Marathon de Paris. Un métro dans lequel nous pénétrâmes gratos grâce à la ‘complicité’ d’une jeune et jolie métisse de la RATP

Ce tout premier regard…   Chipé à la volée…   Et c’est Paris la chance

Et mes yeux qui s’arrêtent…   Sur son cœur qui sourit…   Et c’est Paris romance

En dépit d’une matinée très frisquette, ce marathon s’annonçait donc, pour moi, sous les meilleurs auspices… avec un brin de romantisme. Il ne m’a pas déçu. Du début à la fin, il fut « Pur bonheur pour mon cœur de coureur ». A l’arrivée, vainqueur du  macadam de Paname, j’ai même bombé le torse… histoire de me faire beau pour la photo... Hé,  à Paris, tout est capital…

Mais revenons sur la ligne de départ et même un petit peu avant… Métro, RER, métro… très vite absorbés par le flot des marathoniens parisiens, nous autres Joceliens très sereins, nous nous  retrouvâmes sur les Champs Elysées sans jamais nous être trompés !. Puis, sans nous attarder, nous prîmes le chemin de l’avenue Foch afin d’aller déposer nos sacs dans les stands-vestiaires aménagés à cet effet… Mais là, misère !. Nous ne sommes pas les premiers et nous devons patienter de longues minutes pour passer le sas séparant les coureurs du public. Tant pis, la bonne humeur règne. 

En confiant mes affaires à un très aimable bénévole, je récolte un auto-collant jaune et rouge affirmant « Je cours,  mais sans piétiner les Droits de l’Homme ». En accord avec moi-même, je me sens de mieux en mieux dans mes baskets... c’est chouette !. Le temps de contourner un stand et je me retrouve, quelque peu isolé, pour sacrifier à un besoin très humain. C’est alors que deux marathoniennes, la quarantaine conquérante, s’apounichent à 7- 8 mètres de moi et vident les écoutilles, tout en évoquant la pluie et le beau temps…  Lunes blanches… le dimanche… porte-chance… C’est le cœur léger et les yeux reconnaissants (mais oui…) que, peu après, je me mis à trottiner… avec plein de coquines pensées… très bien placées.

Deux nymphettes en goguette…   Qui exhibent leurs fesses…   Et c’est Paris surprise

Et ma tête qui divague…   Sur de vagues terrains vagues…   Et c’est Paris sottise

Conséquence directe, je rate la traditionnelle photo prise devant l’Arc de Triomphe. Quant à la ligne de départ, je ne la franchis que 8 minutes environ après les premiers coureurs… des costauds masos qui --paraît-il-- débouchèrent Place de la Nation , alors que, plus  de 7 km en arrière, les derniers concurrents entamaient tout juste leur périple… Qu’à cela ne tienne, la foule qui court et la foule qui nous entoure me font tout oublier, excepté l’immense bonheur de conquérir une capitale en cavale. Les premiers kilomètres sont dégustés en toute sérénité. Bien campé sur mes pieds…je les ai faits à ma main !... Mais voilà que je me mets à marcher… Mais oui, à marcher!. Autour de moi, ils s’en foutent, hormis une petite demi-douzaine  qui décide de me ‘titiller’ avec des : « Faut pas t’arrêter », « Continue, c’est rien »… et un : « Pépé, fallait t’entraîner », charmant pour mon physique que je veux dynamique… Ce que ne sait pas le Pignolo hilare, ténor de la bêtise, qui a lancé cette boutade de l’année, c’est que j’ai décidé, en mon âme et conscience et tous les 5km, de récupérer… avant d’être fatigué… Ceci en marchant de 1 mn à 1 mn 30, afin également de m’accorder deux inhalations de Ventoline (jusqu’au 20ème), deux bouchées de ravitaillo et trois gorgées d’eau...

Place de la Bastille , je suis canon et ne peux m’empêcher de songer à ces braves ‘sans-culottes’ qui, le 14 juillet 1789, firent qu’aujourd’hui nous bénéficions d’un jour de congé apprécié… mais, sale égoïste, je les oublie aussitôt. Rue Faubourg St Honoré, Avenue du Trône, Boulevard Soult… j’arpente tranquillement le Bois de Vincennes lorsque deux « Allez l’OL » me surprennent. Ils me sont adressés… à moi qui porte fièrement le maillot du Jogging Club de l’Est Lyonnais. Un peu plus loin, je double une petite dame qui arbore le tee-shirt de l’AFSA (Association Francophone du Syndrome d’Angelman pour laquelle nous avons, en 2004, effectué notre inoubliable « Tour du Rhône en courant »)… Souvenir-souvenir… comme cet autre qui remonte à mon  1ier Marathon de Paris, en l’an 2000, et qui me fit revoir ce Bois de Vincennes totalement ravagé par la tempête de décembre 1999..

Je passe (droit) au 21ème km en 2h 18’… avec près de 4mn d’avance sur ma feuille de route. Je me balade toujours, ça m’enchante. Ma stratégie de « Pépé, fallait t’entraîner » fait des miracles, ainsi bien sûr que le long ruban multicolore et très sport qui me transporte et que j’adore… ainsi également que ce public immense et en transe qui, découvrant mon prénom sur mon dossard, ne cesse de m’encourager « Allez Michel »… comme le font et le feront, à leur façon et jusqu’au bout, ces merveilleux groupes musicaux au nombre, sans doute, d’une bonne quarantaine.

Des rengaines qui s’envolent… Comme une valse à mille temps… Et c’est Paris bonheur

Des frous–frous canailloux…  Qui vous frôlent les joues…  Et c’est Paris  mon Coeur

Rue de Charenton, Avenue Daumesnil, Rue de Lyon… je me sens chez moi… c’est d’ailleurs comme un lion que je re-croise les pieds de… la Bastille. Oubliée la Révolution , me voici Boulevard Henri IV : pas de pot… aucune poule… (au pot) ne m’attend. Et puis, mise en scène pas très saine, surviennent les berges de la Seine avec leurs trémies casse-pattes… Quelques kilomètres plus loin, dans le Souterrain Albert 1ier, je me fais manger par les ‘’ballons roses‘’, c’est à dire par les meneurs d’allure basés sur 4h 30… Bizarre, je les croyais devant !… Le têtard-tocard que je suis se sent de plus en plus l’âme d’un fêtard-cossard. Alors, loin de tout lupanar, me vient l’envie de faire la fête… de taper dans les mains que des minots tendent à notre passage. Le 30ième km est franchi en 3h 18’ . Tout à mon bonheur de joyeux cavaleur, c’est à peine si je vois la Tour Eiffel , sur la rive gauche… Avenue de Versailles, je songe au Roi Soleil, superstar aux débris épars dans un royal plumard, et me redis qu’on est bien peu de chose… lorsque la vie s’est enfuie !... Le pire, les gones, c’est que cette immense connerie a bien traversé ma citrouille de fripouille.

Et l’Histoire qui se tourne…   Pour regarder Versailles…   Et c’est Paris la France

Et ma tête qui chavire…   Qui danse-danse et re-danse…   Et c’est Paris ambiance

Mes premières foulées dans le Bois de Boulogne, m’oxygènent la cafetière. « Faut profiter maxi-cool de ces dernières bornes » me dis-je, quelque peu contrarié par le mauvais état des allées du divin Bois... C’est alors, l’œil matois, que je m’aperçois ‘’que ça marche dur… tout autour de moi !‘’... Bon samaritain, j’entreprends plusieurs brins de causette avec des Cosette délabrées et des malabars en retard… puis, misérable vaurien, je m’accorde un monstrueux pipi en bordure du Lac Inférieur, histoire de… noyer le poisson !. Vers le 41ième km, je m’offre quatre pas en arrière pour fraterniser avec la menotte d’un bambin que j’avais ratée !... Avenue Foch… dommage, c’est déjà l’arrivée et la fin d’un grand bonheur.  Dès lors, baladin bon à rien, je me fais une accélération trognon(*) pour me secouer le croupion… loin, très loin derrière les champions… 4h 43 à ma puce : «Faudra t’entraîner, Pépé! »… J’ suis d’accord… Mais qu’importe l’addition… lorsque l’ivresse tient le morpion ?...

Une avenue cohue…   Où s’arrête la ronde…   C’est Paris merveilleux…

Des inconnus ravis…   Qui profitent de la vie..   C’est Paris fabuleux...

 Mais j’y pense…   Lunes blanches,  le dimanche !…   L’an prochain… je reviens !… 

Michel  SEVEYRAT