1er Marathon de Montpellier - 2010

 

1ier  Marathon  de  Montpellier

Et  j’ai fait pleurer

ma moitié…bien aimée

 

Un bouquet de fleurs à la main, Nicole pleurait…  Pleurait comme une … Madeleine.

Or, vous l’avez deviné : « -Madeleine, c'est mon espoir -C'est mon Amérique à moi… Même qu’elle est trop bien pour moi -Comme dit son cousin Gaspard…».   Gaspard ! C’que j’suis ringard, moi le vilain canard qui arrive toujours en retard… parce qu’ amoureux dingue de Brel, de Madeleine et… nous y voilà… de Nicole Seveyrat.

Sur la ligne d’arrivée du 1er  Marathon de Montpellier… Nicole, il est vrai, m’attendait depuis…  depuis ’bien plus que cela‘. Relevées, sur ses cheveux ébouriffés, ses lunettes  ne masquaient plus depuis… depuis ’bien plus que cela’ ses jolis yeux tout auréolés de perles d’amour.

Oh ô... Brisons là mes Seigneurs… J’voudrais pas vous faire ruisseler des paupières… ni vous paraître déglingué de la cafetière... N’empêche que Nicole eut droit à un bouquet de fleurs grâce à mes cannes de bois… et que moi, « Michel du Jocel » comme le claironnait le speaker, je dus me contenter d’une… interview, c’est à dire de paroles frivoles qui s’envolent…

Autant vous le préciser de suite, Nicole m’attendait depuis… depuis plus d’une heure quarante par rapport au temps que je lui avais annoncé… un temps qui pourtant n’avait rien de transcendant. Et la pauvre âme, la pauvre dame inquiète pour le Petit Paumé qu’elle avait épousé.. s’en était allée se renseigner auprès de l’organisation qui lui avait détaché deux mignonnettes tout de bleu vêtues pour la conduire vers… les secouristes, les pompiers, le SAMU… la Police… la Salle informatique… et enfin sur la ligne d’arrivée afin de demander aux attardés  s’ils n’avaient pas aperçu un cabossé vautré dans un fossé !.  Mais oui mes amis, elle voyait son Mimi au Paradis…

Retour en arrière… Les paris stupides, c’est un peu comme les bouteilles vides… ça laissent souvent un goût… de ‘’reviens’y ‘’!.  J’vous explique… Charcuté au mois d’août 2009 par un ‘’bistouri-man‘’ qui crut bon de m’interdire toute course pendant 6 mois, puis victime de ma respiration d’asthmatique… toc, jusqu’au mois de mai de cette année, je n’avais pu re-trottiner correctement qu’au mois de juin… et là… conversation de bouffon, je pris le pari de faire un marathon  à la rentrée scolaire. Mon choix, finalement, se porta sur celui de Montpellier, le 17 octobre. De fait, jusqu’à cette date, je ne devais participer à aucune course. Finalement, ce n’est qu’avec un mois et demi d’entraînement poussif dont une dernière semaine d’oufs (par la grâce d’un Championnat de France des Pizzaïolos, pour lequel le Jocel avait été débauché) que je me suis retrouvé à Montpellier, pour une partie de jambes à l’air… au milieu de quelque 1750 coureurs solitaires et de 840 relayeurs.

9H moins 1… marraine de l’évènement, la toujours très délicieuse Surya Bonaly, ancienne championne de patinage artistique, s’élança  sur un roller.   9H pile… Hélène Mandroux, maire de la ville, se mit à faire joujou avec un mastard pétard… Pour votre Mimi, c’était parti… comme pour tout le monde, sauf qu’après 800 m . environ, exactement à l’angle de la rue de Pagazy, je me suis viandé comme un steak mal-haché… sur une bordure de trottoir après avoir accroché un plot en ciment censé marquer l’emplacement d’une poubelle… enlevée par sécurité! Bast… il en aurait fallu beaucoup plus pour me terrasser. Les deux genoux couronnés, je me suis relevé pour entendre un  intellectuel de comptoir s’esclaffer «L’alcoolo s’est fait bobo ! ». Nullement vaincu  par ce ténor du cul sec, je crus (car je n’étais pas cuit) bon de répondre : «T’as raison Gaston, t’es c… ».

Avenue Clémenceau, je n’avais rien du ‘Tigre’,  mais j’étais bien… ayant retrouvé mon train-train de sénateur : 6mn04–6mn08 au kilo.  Place du 8 Mai, pas d’Appel,  tout était rentré dans l’ordre. Avenue de Vanière,  le stade  de rugby  m’impressionna  par sa majesté.  Avenues de Rocambole, de Lodève, de l’Europe… les longs faux-plat montants ou descendants s’enchaînèrent sans problème particulier même si, ’bourricot serein’,  je trottinais avec ma solitude.  Survint la Voie Domitienne… malgré tous mes efforts, c’est en vain que, des yeux, je me mis à chercher des vestiges du passé.  Par contre, je me surpris courant en compagnie d’un inconnu qui  m’avait rattrapé… Bien sûr, nous nous mîmes (Marceau of course) à tchatcher : Pédro qu’il se prénommait, 73 ans qu’il avait… et il tentait son Premier Marathon. Deux, trois kilomètres s’effectuèrent ainsi, dans une tranquillité profonde… et nous passâmes le carrefour  avenue de Montferrand – rue de Jussieu. Le dos tourné, la bénévole de service  ne nous vit pas filer…  tout droit et attaquer un nouveau  faux-plat  montant.  Quelque

 

700m plus loin, Pédro m’interpella d’une voix inquiète : « Dis, y’a plus personne sur les trottoirs... On s’est pas trompé de route ? »  Aucun coureur devant, aucun derrière… Il devait avoir raison ! Je m’approchais aussitôt d’un Montpelliérain qui  nettoyait sa  voiture « -Excusez-moi, vous n’avez pas vu passer des coureurs ? ». « -Non, personne… »

Notre demi-tour, s’effectua en une demi-seconde… Rue de Jussieu, nous aperçûmes des gugus bariolés tournant sur leur droite… Nous venions de perdre 7mn et quelques forces. Pédro se mit à déprimer :  «- C’est trop tout ça… Je n’y arriverai pas » « -Non, tu verras. L’essentiel, c’est de passer au semi en 2h30. Après, c’est gagné, on ralentira. Regarde par-terre. Regarde tes pieds »  La fraîcheur des rives du Lez, nous redonna un peu de moral, mais nous fûmes chronométrés au semi en 2h33. Pour notre bonheur, le temps éliminatoire avait été supprimé « -Tu vois, on a la chance pour nous, ça va aller ? Regarde par terre ».

Avenue de la Pompignane, vers le 23° km, nous aperçûmes un concurrent qui marchait, suivi quelques mètres en  arrière d’un garçonnet qui répétait « Allez Papa. Allez Papa. ».  Avant de rattraper ‘Papa’, je me mis à crier : « Allez, on t’attend…On ralentit… Viens. Viens ». Au 3° ‘Viens’, il nous suivit : «-- J’ai des points de côté. J’en peux plus » « -Parle pas. Ferme la bouche. Respire lentement avec le nez… Pense à ton fils. Il t’aime. Il faut qu’il soit fier de toi ! » Je venais de toucher la corde sensible. Momo, c’était son surnom baissa la tête et se tut… A 49 ans, il tentait, lui aussi, son 1ier marathon. Pédro se mit à ses côtés. Nous avions (sans réaction), nous avions bien ralenti  et moi je jactais toujours: «Ce qu’il faut, c’est terminer. On’y arrivera. Pour l’instant , c’est tout bon… Dans les montées, on effectue la 1ère partie en trottinant, dans la 2ème, on marche pour récupérer, mais jamais plus d’une minute 30, puis on repart sans forcer. Vous verrez, on terminera. Et pas cassés».

 Tout doux, tout doucement, notre trio avançait sans problème particulier. Moi, je n’avais jamais autant parlé. «Y’a toujours du vent. Restez bien en file indienne... Par terre, on regarde. Par terre… Pensez à boire… On finit ensemble, y’a plus de soucis… L’essentiel, c’est de terminer… Et, c’est gagné… S’il faut ralentir, on ralentit… Boire avant d’avoir soif, manger avant d’avoir faim, lever le pied avant d’être cassé : faut jamais oublier ces 3 principes ». Momo avait toujours des points de côté et le moral dans les chaussettes, ce qui me permit de réussir un véritable tour de force : lui faire accepter de prendre un petit caillou dans le creux de l’une de ses joues… une technique placebo qui marche assez souvent (mais pas toujours). C’est simple : pour ne pas avaler ledit caillou, on ne pense qu’à ça et l’on oublie de s’ausculter en permanence,  on ferme la bouche et l’on n’avale plus l’air et le vent à pleines gorgées, par ailleurs on est obligé de ralentir sa respiration et peu à peu, on en maîtrise le rythme. Les kilomètres se succédaient, très lentement certes, mais on avançait… Maintenant, à 1m50 derrière nous, Pédro se taisait, préférant souffrir en silence..  La vue du Zénith Sud, dans Grammont n’entraîna aucun commentaire  pas plus que la traversée du surprenant quartier de l’Odysseum. Les brutales rafales avaient, il est vrai, décidé de ne pas nous quitter. Cela dit, la nouvelle présence du Lez  nous fit un bien énorme  et Momo, le Montpelliérain, retrouva la parole. «Ici, c’est le boulevard Henry IV. Après on va passer sous l’ Arc de Triomphe,  y’aura encore une montée et ça sera bientôt fini ». C’est ainsi, tranquillement, qu’on se présenta à l’entrée de la rue piétonne précédant l’arrivée. Le temps de slalomer entre plein de marmots et d’adultes mal réveillés et, comédiens du matin, nous débouchâmes Place de la Comédie.

 « On termine en se tenant la main ?» me demanda Momo. « Non, pardonne-moi, ça ferait pas sérieux. Puis, j’voudrais m’faire un caprice »… Et là, brusquement, jetant mes grands sentiments au vent méchant qui nous pourrissait toujours la vie, je me mis à sprinter… un sourire idiot scotché sous mon petit nez palpitant d’orgueil. Un sourire qui se figea  net lorsque j’entendis très distinctement la voix du speaker :  « Michel du Jocel, tu fais pleurer ta femme. C’est pas des manières. Qu’est-ce t’as fait ? ». Le temps que je franchisse la ligne d’arrivée en… brrrr… 5h42… et, des mains  inconnues, oubliant toute retenue,  m’attrapèrent  par la  peau du  c…  pour me  conduire  auprès  dudit  speaker qui  -c’était couru- avait décidé de passer ma course d’hurluberlu… en revue.

A 5 mètres de là, son bouquet de fleurs à la main, Nicole pleurait… pleurait comme une Madeleine. Or, vous le savez maintenant : Madeleine c’est mon espoir, mon Amérique à moi…  Cela dit, ma Nicole (ma Deleine) dut encore attendre deux minutes pour frissonner sous deux bisous canailloux claqués… sur ses joues !. Deux minutes  que j’avais décidé de consacrer à Momo et  à  Pédro. Visiblement fatigués, mes deux potes, pour récupérer, s’étaient assis sur deux chaises en fer… comme deux frères.

 

Michel Seveyrat