1ier Marathon
de Montpellier
Et j’ai fait pleurer
ma moitié…bien aimée
Un bouquet de fleurs à la main, Nicole pleurait…
Pleurait comme une … Madeleine.
Or, vous l’avez deviné : « -Madeleine, c'est mon espoir -C'est mon Amérique
à moi… Même qu’elle est trop bien pour moi -Comme dit son cousin
Gaspard…». Gaspard !
C’que j’suis ringard, moi le vilain canard qui arrive toujours en retard…
parce qu’ amoureux dingue de Brel, de Madeleine et… nous y voilà… de
Nicole Seveyrat.
Sur la ligne d’arrivée du 1er
Marathon de Montpellier… Nicole, il est vrai, m’attendait depuis…
depuis ’bien plus que cela‘. Relevées, sur ses cheveux ébouriffés,
ses lunettes ne masquaient plus
depuis… depuis ’bien plus que cela’ ses jolis yeux tout auréolés de
perles d’amour.
Oh ô... Brisons là mes Seigneurs… J’voudrais pas vous faire
ruisseler des paupières… ni vous paraître déglingué de la cafetière...
N’empêche que Nicole eut droit à un bouquet de fleurs grâce à mes cannes
de bois… et que moi, « Michel du Jocel » comme le claironnait le
speaker, je dus me contenter d’une… interview, c’est à dire de paroles
frivoles qui s’envolent…
Autant vous le préciser de suite, Nicole m’attendait depuis… depuis
plus d’une heure quarante par rapport au temps que je lui avais annoncé… un
temps qui pourtant n’avait rien de transcendant. Et la pauvre âme, la pauvre
dame inquiète pour le Petit Paumé qu’elle avait épousé.. s’en était allée
se renseigner auprès de l’organisation qui lui avait détaché deux
mignonnettes tout de bleu vêtues pour la conduire vers… les secouristes, les
pompiers, le SAMU… la Police… la Salle informatique… et enfin sur la ligne
d’arrivée afin de demander aux attardés
s’ils n’avaient pas aperçu un cabossé vautré dans un fossé !.
Mais oui mes amis, elle voyait son Mimi au Paradis…
Retour en arrière… Les paris stupides, c’est un peu comme les
bouteilles vides… ça laissent souvent un goût… de ‘’reviens’y
‘’!. J’vous explique…
Charcuté au mois d’août 2009 par un ‘’bistouri-man‘’ qui crut bon de
m’interdire toute course pendant 6 mois, puis victime de ma respiration
d’asthmatique… toc, jusqu’au mois de mai de cette année, je n’avais pu
re-trottiner correctement qu’au mois de juin… et là… conversation de
bouffon, je pris le pari de faire un marathon
à la rentrée scolaire. Mon choix, finalement, se porta sur celui de
Montpellier, le 17 octobre. De fait, jusqu’à cette date, je ne devais
participer à aucune course. Finalement, ce n’est qu’avec un mois et demi
d’entraînement poussif dont une dernière semaine d’oufs (par la grâce
d’un Championnat de France des Pizzaïolos, pour lequel le Jocel avait été débauché)
que je me suis retrouvé à Montpellier, pour une partie de jambes à l’air…
au milieu de quelque 1750 coureurs solitaires et de 840 relayeurs.
9H moins 1… marraine de l’évènement, la toujours très délicieuse
Surya Bonaly, ancienne championne de patinage artistique, s’élança
sur un roller. 9H
pile… Hélène Mandroux, maire de la ville, se mit à faire joujou avec un
mastard pétard… Pour votre Mimi, c’était parti… comme pour tout le
monde, sauf qu’après
Avenue Clémenceau, je n’avais rien du ‘Tigre’,
mais j’étais bien… ayant retrouvé mon train-train de sénateur :
6mn04–6mn08 au kilo. Place du 8
Mai, pas d’Appel, tout était
rentré dans l’ordre. Avenue de Vanière,
le stade de rugby
m’impressionna par sa
majesté. Avenues de Rocambole, de
Lodève, de l’Europe… les longs faux-plat montants ou descendants s’enchaînèrent
sans problème particulier même si, ’bourricot serein’,
je trottinais avec ma solitude. Survint
la Voie Domitienne… malgré tous mes efforts, c’est en vain que, des yeux,
je me mis à chercher des vestiges du passé.
Par contre, je me surpris courant en compagnie d’un inconnu qui
m’avait rattrapé… Bien sûr, nous nous mîmes (Marceau of course)
à tchatcher : Pédro qu’il se prénommait, 73 ans qu’il avait… et il
tentait son Premier Marathon. Deux, trois kilomètres s’effectuèrent ainsi,
dans une tranquillité profonde… et nous passâmes le carrefour
avenue de Montferrand – rue de Jussieu. Le dos tourné, la bénévole
de service ne nous vit pas filer…
tout droit et attaquer un nouveau faux-plat
montant. Quelque
700m
plus loin, Pédro m’interpella d’une voix inquiète : « Dis, y’a
plus personne sur les trottoirs... On s’est pas trompé de route ? »
Aucun coureur devant, aucun derrière… Il devait avoir raison ! Je
m’approchais aussitôt d’un Montpelliérain qui
nettoyait sa voiture «
-Excusez-moi, vous n’avez pas vu passer des coureurs ? ». « -Non,
personne… »
Notre demi-tour, s’effectua en une demi-seconde… Rue de Jussieu, nous
aperçûmes des gugus bariolés tournant sur leur droite… Nous venions de
perdre 7mn et quelques forces. Pédro se mit à déprimer : «- C’est
trop tout ça… Je n’y arriverai pas » « -Non, tu verras.
L’essentiel, c’est de passer au semi en 2h30. Après, c’est gagné, on
ralentira. Regarde par-terre. Regarde tes pieds »
La fraîcheur des rives du Lez, nous redonna un peu de moral, mais nous fûmes
chronométrés au semi en 2h33. Pour notre bonheur, le temps éliminatoire avait
été supprimé « -Tu vois, on a la chance pour nous, ça va aller ?
Regarde par terre ».
Avenue de la Pompignane, vers le 23° km, nous aperçûmes un concurrent
qui marchait, suivi quelques mètres en arrière
d’un garçonnet qui répétait « Allez Papa. Allez Papa. ».
Avant de rattraper ‘Papa’, je me mis à crier : « Allez,
on t’attend…On ralentit… Viens. Viens ». Au 3° ‘Viens’, il nous
suivit : «-- J’ai des points de côté. J’en peux plus »
« -Parle pas. Ferme la bouche. Respire lentement avec le nez… Pense à
ton fils. Il t’aime. Il faut qu’il soit fier de toi ! » Je venais
de toucher la corde sensible. Momo, c’était son surnom baissa la tête et se
tut… A 49 ans, il tentait, lui aussi, son 1ier marathon. Pédro se
mit à ses côtés. Nous avions (sans réaction), nous avions bien ralenti
et moi je jactais toujours: «Ce qu’il faut, c’est terminer.
On’y arrivera. Pour l’instant , c’est tout bon… Dans les montées, on
effectue la 1ère partie en trottinant, dans la 2ème, on
marche pour récupérer, mais jamais plus d’une minute 30, puis on repart sans
forcer. Vous verrez, on terminera. Et pas cassés».
Tout doux, tout doucement,
notre trio avançait sans problème particulier. Moi, je n’avais jamais autant
parlé. «Y’a toujours du vent. Restez bien en file indienne... Par
terre, on regarde. Par terre… Pensez à boire… On finit ensemble, y’a plus
de soucis… L’essentiel, c’est de terminer… Et, c’est gagné… S’il
faut ralentir, on ralentit… Boire avant d’avoir soif, manger avant d’avoir
faim, lever le pied avant d’être cassé : faut jamais oublier ces 3
principes ». Momo avait toujours des points de côté et le moral dans les
chaussettes, ce qui me permit de réussir un véritable tour de force : lui
faire accepter de prendre un petit caillou dans le creux de l’une de ses
joues… une technique placebo qui marche assez souvent (mais pas toujours).
C’est simple : pour ne pas avaler ledit caillou, on ne pense qu’à ça
et l’on oublie de s’ausculter en permanence,
on ferme la bouche et l’on n’avale plus l’air et le vent à pleines
gorgées, par ailleurs on est obligé de ralentir sa respiration et peu à peu,
on en maîtrise le rythme.
Les kilomètres se succédaient, très lentement certes, mais on avançait…
Maintenant, à 1m50 derrière nous, Pédro se taisait, préférant souffrir en
silence.. La vue du Zénith Sud,
dans Grammont n’entraîna aucun commentaire
pas plus que la traversée du surprenant quartier de l’Odysseum. Les
brutales rafales avaient, il est vrai, décidé de ne pas nous quitter. Cela
dit, la nouvelle présence du Lez nous
fit un bien énorme et Momo, le
Montpelliérain, retrouva la parole. «Ici, c’est le boulevard Henry IV. Après
on va passer sous l’ Arc de Triomphe, y’aura
encore une montée et ça sera bientôt fini ». C’est ainsi,
tranquillement, qu’on se présenta à l’entrée de la rue piétonne précédant
l’arrivée. Le temps de slalomer entre plein de marmots et d’adultes mal réveillés
et, comédiens du matin, nous débouchâmes Place de la Comédie.
« On termine en se
tenant la main ?» me demanda Momo. « Non, pardonne-moi, ça ferait
pas sérieux. Puis, j’voudrais m’faire un caprice »… Et là,
brusquement, jetant mes grands sentiments au vent méchant qui nous pourrissait
toujours la vie, je me mis à sprinter… un sourire idiot scotché sous mon
petit nez palpitant d’orgueil. Un sourire qui se figea
net lorsque j’entendis très distinctement la voix du speaker :
« Michel du Jocel, tu fais pleurer ta femme. C’est pas des manières.
Qu’est-ce t’as fait ? ». Le temps que je franchisse la ligne
d’arrivée en… brrrr… 5h42… et, des mains
inconnues, oubliant toute retenue, m’attrapèrent
par la peau du
c… pour me
conduire auprès
dudit speaker qui
-c’était couru- avait décidé de passer ma course d’hurluberlu…
en revue.
A
Michel Seveyrat |