IWAN
- La générosité et l'abnégation
Qui,
dans le club, symbolise mieux qu'Iwan l'esprit de sacrifice pour le
confort et le plaisir des autres? Je n'ai pas de réponse. En effet,
c'est toujours lui, l'obscure cheville ouvrière qui contribue au succès
des agapes organisées par le club. Paella (aidé par son ami Paco), repas
dansant, soirée photos, etc., il est toujours sur la brèche lors de
nos ripailles, ne profitant que très peu des bons moments passés grâce à lui. Lors du dernier repas dansant, alors qu'il
avait travaillé pour son patron jusqu'à quatorze heures, il est resté
une dizaine d'heures dans sa cuisine de circonstance sans
mettre pratiquement le nez dehors. Comme à son habitude, il est resté à l'ombre
des projecteurs (au sens figuré et au sens propre en l'occurrence),
mais son rôle a été réellement déterminant dans
la réussite de la soirée.
Toujours préoccupé par le bien-être des autres, il est
celui qui, immanquablement, pense à vous adresser un mot d'encouragement ou
à vous envoyer un petit courriel sympa (malgré son français
littéraire encore un peu approximatif) lorsque vous avez le moral dans
les chaussettes. Bref, c'est un chic type qui gagne vraiment à être
connu !
Dans
la constitution de notre pays, "être français", c'est d'abord le vouloir.
Alors je prétends que plus français qu'Iwan n'est pas possible. Si vous
n'êtes pas convaincu par mon affirmation, voici ci-contre, un bref
résumé de son étonnant destin qui prouve quelle a été sa
détermination à le devenir.

Iwan
au travail dans sa cuisine
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Iwan
était déjà issu d'une famille de sportifs. La relève est assurée.
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Iwan
est né en Indonésie, un pays d'Asie que les français connaissent
généralement très mal. Pourtant, ce plus grand archipel du monde
est trois plus grand et quatre fois plus peuplé que la France. Parmi
les six enfants de la famille, seule sa soeur vivait en France lorsque
son insuffisance rénale nécessita une transplantation. Pour des
raisons de bioéthique et de compatibilité optimale, Iwan fut sollicité et vint dans
notre pays pour offrir son rein à sa soeur malade ce qui, vous en
conviendrez, est une belle preuve d'amour et de solidarité familiale.
Agé de dix huit ans, il venait de passer le bac et s'apprêtait à
suivre des études de biologie. Mais suite à l'opération
chirurgicale qui le privait d'un organe essentiel, il fut contraint de
rester en France pendant un an pour se soumettre à une surveillance
médicale post-opératoire. Repartant complètement à zéro, il dut
apprendre les bases de notre langue en fréquentant l'université Lyon
II. Il s'investit si bien dans ce nouveau contexte qu'il eut l'envie
de rester dans l'hexagone. La suite est un très long parcours du
combattant qu'il serait trop long de développer dans cette courte
rubrique. Celui-ci dura près de dix ans jusqu'à ce qu'il obtienne enfin la
nationalité française. Son mariage avec Joséphine dit "Fifine",
une française née en France mais d'ascendance transalpine, facilita les
démarches qui mettaient fin aux cartes de séjour successives et
aléatoires.
Les
conséquences de ce bel acte généreux sont multiples. Il a quitté
son pays natal en abandonnant ses études et a été obligé de
renoncer à la nationalité indonésienne car la double nationalité
française / indonésienne est impossible. Ses résistances aux
efforts soutenus sont altérés et il devra prendre des médicaments
pendant toute sa vie. En contrepartie, il a fondé une belle famille.
On a coutume de dire que le mélange eurasien donne généralement de bons
résultats. C'est particulièrement le cas avec sa progéniture car il
a trois beaux enfants: Andréa, Preiscilla qui a été championne de France
UFOLEP par équipes de gymnastique et Lucas qui a été choisi pour
représenter la circonscription de Saint-Priest au parlement des
enfants (rassemblement annuel de 577 jeunes "députés" au Palais
Bourbon). Et puis, Iwan est devenu cuisinier pour le plus grand plaisir
de ses amis joceliens.
Si
pour la plupart d'entre nous, la vie est un long fleuve tranquille,
celle d'Iwan ressemble plutôt à un torrent fait de tourbillons et de
chutes même si désormais le cours d'eau semble paisible. En
évoquant sa trajectoire insolite, je ne peux m'empêcher de penser à
ces vers de Rudyard Kipling que vous avez sans doute tous appris sur
les bancs de l'école:
Si
tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir,
Le
poème se termine par:
Tu
seras un Homme, mon fils.
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